Actes manqués

Publié le par mahogany

En revenant de la gare, je me suis senti mal.

C’est comme si j’avais réussi à corrompre sa neutralité.

Voilà une personne qui avait délégué à son imaginaire le dessein de notre rencontre. Elle venait me rendre visite, et je devais simplement prendre le relais de ses aspirations et reproduire le plus fidèlement possible sa venue dans mon univers, par rapport à ses attentes.

Je devais être à la hauteur de ce qu’elle avait imaginé ou du moins ne pas reproduire ce qu’elle récusait.


Je me permets une parenthèse pour vous dire qu'il est fort probable que j’escamote ici un monde fabulesque émergeant des stries les plus étroits de mon cerveau, mode opératoire spécifique à mon caractère excessif. Il est en effet très possible que mes appréhensions quant à son séjour nantais puissent de loin surpasser ses prétentions véritables, à savoir très certainement une simple évasion.

Je pense qu’elle voulait juste changer d’air.

Je l’ai compris en m’éloignant du TGV la ramenant. J’ai aussi compris que je n’avais pas comblé ses attentes; j'ignore par ailleurs toujours leur nature.

J’en suis désolé. J’en suis même navré.

Vous auriez du la voir.
Je l’avais laissée en Guadeloupe, pouponne, candide,bien qu'aparaissaient déjà à lépoque les prémices qui laisse présager l’émergence d’une femme du plus prestigieux millésime.
Cet après midi là, alors que j’avais le portable soudé à l’oreille, j’ai fait la bise à une Dame à la gare de Nantes.
On aurait dit un décalage ambulant, une démesure.
Cette génération là grandit comme des OGM. Plus grand, plus gros, plus vite.

Nous avons affairé notre weekend à diverses activités : Discothèque, restaurants, sortie culturelle, avec à chaque fois l’amer sensation que tout ce que j’avais à lui monter était trop menu pour effleurer sa satiété.

Je me trompais.

Mon problème n’étais pas tant celui de la consistance de ce que j’avais à lui montrer que son côté rébarbatif. Elle était visiblement venue chercher autre chose, et je lui ai servi au mieux du « déjà-vu-en-moins-bien ».

Je l’ai saisi en la « débriefant » au dernier soir sur son weekend. Alors qu’elle me contait son résumé, je sentais dans la tonalité de ses mots le combat entre ce que lui imposait la franchise et ce que censurait la politesse.

Il est tellement rare de nos jours que le discours d’un être soit trituré entre deux vertus, dans la mesure où il est rare qu’une personne soit pourvue de deux vertus.

Elle essayait de me rassurer avec ses petits sourires tant forcés que polis tandis que j’essayais d’être drôle, sans jamais franchir le stade de la tentative…
Misère.
Constat d’impuissance.
J’avais l’impression de ne pas être à la hauteur.
 Admirez la mise en abîme : J’avais l’impression de ne pas être à la hauteur d’aspirations que je lui conférais, aspirations n’existant cprobablement que dans les tréfonds de mon imagination, puisqu’elle ne m’a jamais confié aspirer à quoi que ce soit en rapport avec mon être chétif.

En d’autre terme : Il se peut que je ne sois qu’un grand malade.

En somme elle n’était peut-être rien venu chercher chez moi, mais j’avais la désagréable sensation en la ramenant à la gare de la perdre, elle, ou quelquechose d'aussi précieux qu'immatériel, et ce de façon irrévocable.


Elle, moi et nos silences marchions, l’air grave sur le quai n°1 de la gare en direction de « plus jamais ici ».

On a passé un peu plus de 48 heures durant lesquelles nous avons dansé ensemble, mangé ensemble, dormi ensemble, ris ensemble, marché ensemble… Nous avons presque fait l’amour, nous sommes frôlés des lèvres, tenus par la main, caressés, regardés et parlés.
Nous n’avons réussis qu’à enfoncer des portes vides, griller des étapes, dénaturer des moment spéciaux, désacraliser, démystifier et se rater spirituellement en se rapprochant physiquement.


Quand ai-je exactement commencé à être aussi maladroit ?

Publié dans Nouvelles & Fictions

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