Marches arrêtées

Publié le par mahogany

Commerce.1.JPG

C’est que tu n’es pas seul à attendre ici. À se demander si à Nantes, un rendez-vous au centre ville est forcément fixé devant la Fnac.

C’est marrant.

En arrivant, alors que tu cherches du regard le minois de ta grisette, s’offre à toi un spectacle pour le moins surprenant. Des yeux aux aguets, des épaules qui balancent, des moitiés de couple qui fixent l’horizon comme des suricates à l’affût du danger, des cous gyrophares, une armée de culbuto qui tanguent avec cette persuasion étrange que le chancèlement affine la perception.

T’as l’impression que les marches de la FNAC sont un immense purgatoire.

On peut aisément distinguer s’il s’agit de personnes en retard où en avance. On discerne même celui qui commence à se dire qu’il va se manger un méchant lapin. La diversité des expressions sur les visages des « rancardés en transit » installés sur la même marche donne l’impression d’un tablar de masques.

Une fois arrivé aux pieds des escaliers, en un mouvement, qui consiste à te retourner et offrir la vison de ton fessier aux agents de sécurité de la FNAC installés en amont (ils n’ont pas à se plaindre, les babouins font la même chose en signe de respect), tu rejoins la secte. Et tu regardes devant. T’attends. Tu t’es intégré.

D’ici, on a une vision de toute la place Commerce. Il n’y a pas à dire, il y a de jolies filles à Nantes. Si les femmes sont sexy en été, elles sont élégantes en hiver.

Un sourire blond emmitouflé dans un bonnet de laine blanc avance à pas convaincus. Un homme se détache de la grappe et s’en va rejoindre celle qui constitue à la fois la cause et la conséquence de son attente. Une embrassade. Des rires. Des doigts qui s’étreignent. Ils s’en vont.

Assister à cette scène aura des effets différents sur l’assemblée d’orphelin temporaire. Il  y a ceux qui s’angoissent de ne jamais quitter ce parvis. Ceux là se servent de leur téléphone portable. Il y a les impassibles, confiants sachant pertinemment que c’est une question de temps.

Et puis il y a moi, qui n’attendais personne.

Je voulais juste m’arrêter en ce lieu de pèlerinage du rencard, musée de l’exorde  des  idylles, devant lequel je passe tellement souvent sans désormais plus m’y arrêter.

Publié dans Introspections

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
L
<br /> la même impression me traverse dans les halls de gare où se mêlent les joies des retrouvailles aux déchirures des séparations...Les regards déçus et les mines en attente...le plus marquant ce sont<br /> ces rencontres que l'on devine premières et surement fruits d'un long cyber échange...avec l'angoisse de la déception l'appréhension de la surprise...ces lieux de transit comme tu les appelles ont<br /> quelque chose de magique en ce qu'ils sont des ponts...ils séparent aussi bien qu'ils rassemblent<br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> <br /> Merci de me lire<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> J'aime aussi beaucoup les émotions de ce lieu. Elles me rendent triste mais parfois je m'imagine à la place de celles attendant leur rendez-vous, et je me dis que je trouverais en ce lieu quelque<br /> chose de magique, à leur place. Pour l'instant, personnellement, ce lieu reste un banal lieu de passage entre des gens entassés, les joues rouges et le regard perdu.<br /> Bonne soirée !<br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> Ho.<br /> <br /> Une nantaise !!  <br /> <br /> <br />
&
<br /> Voilà un moment que je n'avais pas laissé un petit mot en ces lieux, qui ne sont pas pour autant moins appréciables. J'avais peut être tout bonnement une flemme magistrale.<br /> Quoi qu'il en soit, chaque écrit reste agréable.<br /> <br /> Dans notre belle capitale, ceci est la description parfaite des "marches de l'Opéra". Il y a une Fnac, également, belle coïncidence. Une autre fonction est d'être un asile de destins perdus, peut<br /> être à jamais, mais c'est bien moins poétique. Je préfère m'en tenir à cette description similaire et Nantaise.<br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> Viens dans la ville canari, comme la nomme Renan Luce. Tu vérifiera mes dires.<br /> <br /> Amitiés.<br /> <br /> <br />